samedi 31 mars 2012

La tour de Babybel


8 mai 1945.

Les Américains sauvent la planète pour la seconde fois !

Ne se limitant cette fois-ci pas à nous défendre, les "yankees" nous gratifièrent alors d'inventions formidables : le "rock and roll", les "westerns", les "jeans", les boissons gazeuses de couleur sombre aux propriétés médicinales miraculeuses, etc...
Tant de cerises sur le gâteau ont fait que l'admiration des peuples libérés pour la bannière étoilée n'a dès lors jamais cessé de grandir.

Voilà plus d'un demi-siècle que, dotés d'un sens du mimétisme à verdir un caméléon, nous nous déhanchons comme eux, nous nous habillons comme eux, nous mangeons comme eux et, "last but not least", nous parlons comme eux.

Caméléon allié
 
Cet idiome barbare mais étrangement mélodieux prenant de plus en plus de place dans nos vies et dans nos coeurs, il nous fallut évidement l'enseigner à nos chères têtes blondes et cela dès le plus jeune âge. Méthode d'apprentissage révolutionnaire, à base de "Where is Brian ? / Brian is in the kitchen" et de "My tailor is rich" aux résultats impressionnants.

Bien après l'école obligatoire, nous mettons depuis, un point d'honneur à continuer d'enrichir nos connaissances de la langue de Shakespeare (prononcez : j'expire), sans se soucier de savoir si les petits anglophones font le même effort d'adaptation de leur côté avec celle de Molière (prononcez : Molière). Ont-ils eux aussi des fascicules en français pour apprendre à demander : où donc se trouve Robert ?


"Robert est dans le garage"

Peu importe, faisons le premier pas ! Cette langue est bien trop belle ; l'utiliser est un plaisir et non une corvée ! Nous connaîtrons notre leçon sur le bout des doigts ! Promis, nous ne nous réjouirons plus de la fin de semaine pour aller bouger son corps sur la piste de danse mais du "week-end" pour aller "shake"  son "body" sur le "dancefloor". Nous ne participerons plus à des réunions en équipe mais à des "team meetings" et nous ne prendrons plus de pauses mais des "breaks".

Tout le monde s'y est mis dans un élan émouvant et spontané et le "franglais" s'est imposé sans mal comme langue nationale. 
Il reste bien sûr quelques réfractaires pleurnichards, porte-étendards d'une culture vieillissante. D'autres qui, comme l'artiste Jean Dujardin, n'ont pas envie de s'y mettre, pensant peut-être que l'Oncle Sam se contentera éternellement de films muets en noir et blanc au "box-office".


Traducteur universel

Il y a aussi quelques mères de familles bourgeoises qui me rétorqueront que l'anglais est "has-been" et que pour réussir dans la vie, il faut maintenant parler le mandarin. Et si Charles- Hubert n'arrive pas à traduire "has-been" en chinois, il n'aura pas de chien laqué bio pour le dîner !

Soyons un peu sérieux. Sommes nous victime d'un mal insidieux et irréversible que le docteur House ne pourrait soigner qu'avec des perfusions de "pudding" à la menthe pour en augmenter les symptômes, ou existe-t-il des possibilités de renverser la vapeur et de se réapproprier le français au quotidien ?


Gregory Maison

Les politiciens francophones ont, semble-t-il, baissé les bras. Les initiatives dans ce sens sont presque inexistantes. Le problème actuel est économique et pas linguistique. Pourrait-on renflouer les caisses en limitant notre utilisation de l'anglais ? La réponse est "yes we can" !

Comment ? Voici une proposition simple :

Où la présence de l'anglais est-elle la plus flagrante ? Dans la publicité pardi !
Un peu d'observation et vous constaterez que les messages commerciaux entièrement en français sont de plus en plus rares. Les annonceurs préfèrent communiquer par de petites phrases "english" efficaces affublées d'un astérisque qui renvoie à une traduction minuscule en bas des écrans et des affiches.
Imaginez le temps de travail et le nombre de litres d'encre économisés si Nike acceptait de nous dire de "juste le faire" au lieu de "just do it ". Multiplié par le nombre de marques et de pays au niveau mondial, le bénéfice serait colossal. 

*"This is not a blow job"

Ne nous voilons pas la face, cela n'arrivera pas de sitôt. Nous sommes donc condamnés.


2045. 

Toute la planète est désormais de langue maternelle anglaise, Jean Dujardin à même obtenu son "first" avec mention "very good".

Alors que le modèle capitaliste est toujours au plus mal, c'est l'heure du bilan. Qu'avons-nous donc gagné à nous prosterner devant l’envahisseur à part quelques kilos en trop ?
Unité et spiritualité. Nous sommes devenus un seul peuple qui se comprend et nous idolâtrons le même Dieu.
Nous regardons enfin tous dans la même direction sans strabisme divergent et pouvons nous atteler à un projet commun fort et ultime abandonné il y a trop longtemps : La tour de Babel.

La tour de Babel est un édifice biblique initié par les descendants de Noé (le mec à l'arche dans la pub pour le déodorant). Ces représentants de l'humanité parlant tous la même langue, celle d'Adam (le mec à la pomme dans les pubs pour les téléphones) ne voulaient plus vivre sur terre et décidèrent de construire une tour assez haute pour atteindre le royaume de Dieu. Notre créateur, fâché par tant d’orgueil, multiplia les langues afin que les hommes ne se comprennent plus. Vous me suivez ? Nous avions réussi à supprimer toutes ces langues parasites pour n'en garder qu'une. Il était tant de se remettre au boulot.


Relique biblique

Les matières premières manquant cruellement, nous nous débrouillons avec les moyens du bord : les fondations sont élaborées en carcasses de "traders" que les familles ne réclament plus. L'industrie agroalimentaire trouve enfin une noble cause pour utiliser ses invendus et fournit gratuitement le "rosbeef" pour les sols et les "pancakes" au beurre de cacahuètes pour les murs. Nous ne sommes pas en reste et apportons notre fromage à l'édifice en solidifiant l'ensemble avec la paraffine rouge recyclée de coques de Babybels, devenu l'en-cas "franglais" préféré des femmes au foyer désespérées.

Un geste de bonne volonté qui mène pourtant l'entreprise à sa perte. Nous oublions un élément important ; le problème du réchauffement climatique ayant également été mis de côté, la chaleur intenable sur le chantier fait fondre la paraffine et nous n'atteignons que le troisième étage de la tour avant qu'elle ne s'effondre dans un fracas mou.


"Babybel, c'est bien fait pour nous !"

Une petite défaite pour l'homme mais une défaite cuisante pour l'anglais.

La solution doit se trouver ailleurs.

J'ai choisi de reprendre mes cours de mandarin, la mère de Charles-Hubert m'a convaincu et puis... le chien laqué c'est tellement bon !

"I hate you all...cordially"

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