8 mai 1945.
Les Américains sauvent la
planète pour la seconde fois !
Ne se limitant cette fois-ci pas à
nous défendre, les "yankees" nous gratifièrent alors d'inventions formidables : le "rock and roll", les "westerns", les
"jeans", les boissons gazeuses de couleur sombre aux propriétés
médicinales miraculeuses, etc...
Tant de cerises sur le gâteau ont fait
que l'admiration des peuples libérés pour la bannière étoilée
n'a dès lors jamais cessé de grandir.
Voilà plus d'un demi-siècle que,
dotés d'un sens du mimétisme à verdir un caméléon, nous
nous déhanchons comme eux, nous nous habillons comme eux, nous
mangeons comme eux et, "last but not least", nous
parlons comme eux.
Caméléon allié |
Cet idiome barbare mais étrangement
mélodieux prenant de plus en plus de place dans nos vies et dans nos
coeurs, il nous fallut évidement l'enseigner à nos chères têtes
blondes et cela dès le plus jeune âge. Méthode d'apprentissage
révolutionnaire, à base de "Where is Brian ? / Brian
is in the kitchen" et de "My tailor is rich" aux
résultats impressionnants.
Bien après l'école obligatoire, nous
mettons depuis, un point d'honneur à continuer d'enrichir nos connaissances
de la langue de Shakespeare (prononcez : j'expire), sans se
soucier de savoir si les petits anglophones font le même effort
d'adaptation de leur côté avec celle de Molière (prononcez :
Molière). Ont-ils eux aussi des fascicules en français pour
apprendre à demander : où donc se trouve Robert ?
"Robert est dans le garage" |
Peu importe, faisons le premier pas !
Cette langue est bien trop belle ; l'utiliser est un plaisir et
non une corvée ! Nous connaîtrons notre leçon sur le bout des
doigts ! Promis, nous ne nous réjouirons plus de la fin de
semaine pour aller bouger son corps sur la piste de danse mais du "week-end" pour aller "shake" son "body" sur le "dancefloor". Nous ne
participerons plus à des réunions en équipe mais à des "team meetings" et nous ne prendrons plus de pauses
mais des "breaks".
Tout le monde s'y est mis dans un élan
émouvant et spontané et le "franglais" s'est imposé sans mal comme
langue nationale.
Il reste bien sûr quelques
réfractaires pleurnichards, porte-étendards d'une culture
vieillissante. D'autres qui, comme l'artiste Jean Dujardin, n'ont pas
envie de s'y mettre, pensant peut-être que l'Oncle Sam se contentera
éternellement de films muets en noir et blanc au "box-office".
Traducteur universel |
Il y a aussi quelques mères
de familles bourgeoises qui me rétorqueront que l'anglais est "has-been" et que pour réussir dans la vie, il faut
maintenant parler le mandarin. Et si Charles- Hubert n'arrive pas à
traduire "has-been" en chinois, il n'aura pas de chien
laqué bio pour le dîner !
Soyons un peu sérieux.
Sommes nous victime d'un mal insidieux et irréversible que le
docteur House ne pourrait soigner qu'avec des perfusions de "pudding" à
la menthe pour en augmenter les symptômes, ou existe-t-il des
possibilités de renverser la vapeur et de se réapproprier le
français au quotidien ?
Gregory Maison |
Les politiciens francophones
ont, semble-t-il, baissé les bras. Les initiatives dans ce sens
sont presque inexistantes. Le problème actuel est économique et
pas linguistique. Pourrait-on renflouer les caisses en limitant notre utilisation de l'anglais ? La réponse est "yes we
can" !
Comment ? Voici une
proposition simple :
Où la présence
de l'anglais est-elle la plus flagrante ? Dans la
publicité pardi !
Un peu d'observation et vous
constaterez que les messages commerciaux entièrement en français
sont de plus en plus rares. Les annonceurs préfèrent communiquer
par de petites phrases "english" efficaces affublées
d'un astérisque qui renvoie à une traduction minuscule en bas des
écrans et des affiches.
Imaginez le temps de travail
et le nombre de litres d'encre économisés si Nike acceptait de nous
dire de "juste le faire" au lieu de "just do
it ". Multiplié par le nombre de marques et de pays au niveau
mondial, le bénéfice serait colossal.
*"This is not a blow job" |
Ne nous voilons pas la face,
cela n'arrivera pas de sitôt. Nous sommes donc condamnés.
2045.
Toute la planète est
désormais de langue maternelle anglaise, Jean Dujardin à même
obtenu son "first" avec mention "very good".
Alors que le modèle
capitaliste est toujours au plus mal, c'est l'heure du bilan.
Qu'avons-nous donc gagné à nous prosterner devant l’envahisseur à
part quelques kilos en trop ?
Unité et spiritualité.
Nous sommes devenus un seul peuple qui se comprend et nous idolâtrons
le même Dieu.
Nous regardons enfin tous
dans la même direction sans strabisme divergent et pouvons nous
atteler à un projet commun fort et ultime abandonné il y a trop
longtemps : La tour de Babel.
La tour de Babel est un
édifice biblique initié par les descendants de Noé (le mec à
l'arche dans la pub pour le déodorant). Ces représentants de
l'humanité parlant tous la même langue, celle d'Adam (le mec à la
pomme dans les pubs pour les téléphones) ne voulaient plus vivre
sur terre et décidèrent de construire une tour assez haute pour
atteindre le royaume de Dieu. Notre créateur, fâché par tant
d’orgueil, multiplia les langues afin que les hommes ne se
comprennent plus. Vous me suivez ? Nous avions réussi à
supprimer toutes ces langues parasites pour n'en garder qu'une. Il
était tant de se remettre au boulot.
Relique biblique |
Les matières premières
manquant cruellement, nous nous débrouillons avec les moyens du
bord : les fondations sont élaborées en carcasses de "traders" que les familles ne réclament plus.
L'industrie agroalimentaire trouve enfin une noble cause pour
utiliser ses invendus et fournit gratuitement le "rosbeef"
pour les sols et les "pancakes" au beurre de cacahuètes
pour les murs. Nous ne sommes pas en reste et apportons notre fromage
à l'édifice en solidifiant l'ensemble avec la paraffine rouge
recyclée de coques de Babybels, devenu l'en-cas "franglais" préféré
des femmes au foyer désespérées.
Un geste de bonne volonté
qui mène pourtant l'entreprise à sa perte. Nous oublions un élément
important ; le problème du réchauffement climatique ayant également
été mis de côté, la chaleur intenable sur le chantier fait fondre
la paraffine et nous n'atteignons que le troisième étage de la
tour avant qu'elle ne s'effondre dans un fracas mou.
"Babybel, c'est bien fait pour nous !" |
Une petite défaite pour
l'homme mais une défaite cuisante pour l'anglais.
La solution doit se trouver
ailleurs.
J'ai choisi de reprendre mes
cours de mandarin, la mère de Charles-Hubert m'a convaincu et
puis... le chien laqué c'est tellement bon !
"I hate you all...cordially"
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